Texte de Philippe LOUGUET

Le pinceau dépose son encre. On sent un geste assuré, précis, qui compose en direct sur le support, équilibrant les traces d’encre et le blanc du papier au fur et à mesure de l’exécution. Mais ce travail du plein et du délié, où la peinture rejoint l’écriture par la gestuelle calligraphique est toujours complété de surfaces complexes qui remettent en cause la composition première et la portent à un dépassement, parfois au bord de la catastrophe. C’est qu’il y faut ce risque pour atteindre l’intensité qui produira une composition seconde et définitive enrichie du frôlement de l’abîme. C’est alors une peinture dansée, qui apparaît, où l’énergie est préservée dans toute sa force. On pense à la série des « Jet of water » de Francis Bacon, qui par d’autres moyens (l’huile et le pastel) atteignait de telles sphères. Et on pense par ricochet à la manière dont la vague d’Hokusai hante la peinture occidentale depuis Van Gogh. Mais tandis qu’Hokusai était dans la représentation, mimant patiemment dans l’exécution le mouvement de la vague, où se situait encore un peu pour sa part Bacon par les glacis à l’huile, Les grandes calligraphies organiques de Marie-Christine Palombit usent du simple geste sans repentir possible, comme ces tissus imprégnés de peinture jetés et frottés sur le papier. On comprend alors la volonté de faire une peinture du souffle, de la pure énergie, que calment juste in fine quelques éléments rapportés, des collages plus stricts, et l’apposition de l’idéogramme de l’artiste.

Philippe LOUGUET, Professeur-Chercheur-Historien et Critique d’Art